S.D.F.

Toujours la même  place, sous le pont Mirabeau,
Un homme d’une autre race, celle des marginaux ;
Un « sans domicile fixe », comme on dit joliment…
Un nom à moindre risque d’une vérité qui ment.

Blotti comme il le peut dans un carton troué,
Il se réchauffe au mieux sous un vieux plaid usé,
Cherchant de la tiédeur au goulot d’une bouteille
Pour un peu moins de peur jusqu’au prochain sommeil.

Ses yeux ne pleurent plus depuis bien des hivers.
Leur éclat, disparu, a terni de misère.
Il neige dans son cœur, en flocons silencieux,
Un peu de son malheur sous un écran brumeux.

Quelques passants pressés par leur indifférence
Le croisent tête baissée, orgueilleux d’ignorance.
Invisible fantôme, dédaigné, méprisé,
Il n’en est pas moins homme, en mal d’humanité.

Mendiant d’un peu d’amour à la chaleur d’un toit,
Son appel au secours se meurt sous d’autres voix.
Son enfer est glacial, peuplé de solitude,
Son tourment, hivernal, transi de lassitude.

Il attend le matin, et puis, viendra le soir…
Encore un lendemain, toujours un peu plus noir,
Toujours un peu plus blanc du froid qui paralyse
Presqu’insensiblement son cœur qui cristallise.

Et qui remarquera s’il n’est plus là demain ?
Des passants, qui verra ? Parmi ces gens, combien ?
On le retrouvera un peu plus froid encore,
Un journal titrera : ‘un S.D.F. est mort’…


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